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Artiste pluriel (musique, photo, écriture & poésie) à tendance vagabonde, un peu zébré sur les bords.

L'Échappée.

Carnet de voyage.

De Saint-Jean-Pied-de-Port à Fisterra, récit d’une aventure hors du commun sur le Chemin de Compostelle
là où rencontres et marche se mêlent en un patchwork de sourires, de partage et de transformation intérieure.

Playlist de lecture.

Sigur Ros - Festival

Sigur ros
Festival

The wooden sky - Child of the valley

The wooden sky
Child of the valley

Murray head - Say it ain't so

Murray Head
Say it ain’t so

Air - Caramel prisoner

Air
Caramel prisoner

Hhymn - Not before I go

Hhymn
Not before I go

Milanku - Hypomanie

Milanku
Hypomanie

J’avais besoin d’air. De partir. De laisser pour quelques temps une route quotidienne prévisible et balisée pour des sentiers inconnus, plus incertains. Mais, définitivement plus vivants.

Partir. Quitter la terre ferme des journées qui ressemblent les unes aux autres. Fermer les yeux et imaginer le goût subtilement salé de la Mer du Nord, déposé par les embruns sur mes lèvres. Sentir la caresse du vent frôlant la surface aux mille reflets des chenaux hollandais. Et pouvoir presque toucher du bout des doigts les neiges assoupies depuis des décennies sur les arêtes des montagnes du Tyrol.

Brûlants de ces envies de découvrir d’autres perspectives, j’ai harnaché des sacoches au porte-bagages de mon vélo et je suis parti pour un voyage à travers six pays d’Europe.

Ce projet un peu fou, ce tour d’Europe à vélo, je lui ai donné un nom : l’Echappée.

Trek du Camino francès et Compostelle

Sans un regard en arrière, je suis parti par une journée ensoleillée de la fin du mois d’août. Dans la mélodie que chantait le vent à mes oreilles résonnait comme un appel : celui de ces paysages que j’avais aperçus du coin de l’œil au gré de photographies. Ces infinis impalpables dans lesquels j’allais plonger mon regard, comme sous la surface d’une mer aux mille reflets.

Un kaléidoscope de paysages

Des falaises déchirées de la Côté d’Opale jusqu’aux grèves limpides du Rhin, entouré de ses vignobles accrochés au flanc de collines verdoyantes, j’ai voyagé sur les paisibles rivières de la beauté du monde. J’ai cru pouvoir nager dans le ciel bleu des montagnes autrichiennes et oublier, le temps d’un souffle au milieu de ces cimes irréelles, le grand fracas de l’univers. Dans la myriade de lumières qui brillaient à la surface des canaux hollandais, dans les vallées ombragées d’une Bavière embrumée d’une poésie n’ayant plus besoin de ses alexandrins, j’ai recueilli des trésors presque oubliés : ceux d’une nature omniprésente, pour qui la beauté est une évidence pleine de simplicité. Des lacs immenses jetés aux pieds des Alpes suisses et allemandes, j’ai contemplé les quelques traces que laisse le temps qui passe à ceux qui essaient de le retenir au creux de leur main. Des chutes du Rhin au bas de la citadelle de Schaffhausen s’est échappé, du tumulte des eaux, le discret mais majestueux chant d’un monde qui ne cessera jamais d’exister.

Immergés dans les nuances grises et noires de ciels trop lourds, qui finissaient par se dissoudre dans les lignes mouvantes de ces routes au loin, ou inondés par les lumières réconfortantes d’un soleil parfois timide, parfois vivifiant, j’ai roulé au gré d’architectures surprenantes et de panoramas plus beaux les uns que les autres. De ceux qui font poser le pied à terre pour mieux prendre le temps de goûter les saveurs de la vie. Comme pour mieux écouter les mélodies entourées de pudeur et le bruit feutré d’une Nature plus riche qu’un millier de souverains. Et enfin, sentir grandir en soi l’apaisante sensation d’être vivant. Au bon endroit, au bon moment de son propre chemin.

Carte de L''Échappe, un tour d'Europe à vélo

La magie du Chemin de Compostelle

Alors, « Qu’est-ce qui fait la magie du Chemin ? », sont parfois tentés de demander ceux qui ne le connaissent que par les livres ou les reportages. Si chaque marcheur aura probablement sa propre réponse à cette question, la magie du Chemin de Compostelle réside, à mes yeux, dans la force brute de sa beauté. Dans la rudesse de ses exigences. Dans ses paysages qui vous coupent le souffle et vous retournent de l’intérieur. Ou ces rencontres qui vous font passer par toute l’étendue des émotions humaines. Cette magie qui donne cet éclat particulier au regard de celles et ceux qui l’ont parcouru, elle se cache au creux de ces étendues désertiques et mystiques qui donnent aux heures qui passent tout leur sens. Dans l’innocence de ces hameaux perdus aux sommets des collines, ou sur les crêtes des montagnes, ces villages qui sortent la poésie de l’étroitesse de nos souvenirs d’écoliers. Ou encore, dans le bruit assourdissant mais pourtant si humain des villes comme Burgos, León ou Logroño, qui ponctuent le chemin de cette évidence : la vie passe aussi et nécessairement par les autres.

L’Autre… Celle ou celui que l’on ne connaissait pas, quelques jours plus tôt. Et qui désormais, fait partie du quotidien de manière naturelle et pourtant, indéniable. J’ai rencontré sur le Camino francès des personnes simplement exceptionnelles, qui ont marqué ma vie et mes souvenirs, à jamais. Des gens qui parlaient ma langue et d’autres, non. Des êtres humains qui m’ont donné un trésor inestimable : le meilleur d’eux-mêmes, de leurs cultures et de leurs vies. Au creux d’un sourire fugace mais sincère, au détour d’une discussion pleine d’enthousiasme, au coin d’un regard débordant de mots silencieux mais pourtant, si forts. Le fait d’avoir sa vie dans un sac à dos et de ne pouvoir aller plus vite que ne le peuvent ses jambes rend les choses du quotidien et les rencontres plus simples. Plus vraies.

Photos du Chemin de Compostelle

J’ai croisé le chemin de Jérémy dans les forêts proches de Larrasoaña au Pays Basque, le lendemain de mon départ ; nos routes se sont séparées un mois plus tard à Santiago, au moment de prendre le train et l’avion, pour regagner nos vies respectives. En sachant que l’on se reverrait, un jour. Forcément : c’est ce que font des frères. Il y a eu aussi Gabriel, ses retentissants éclats de rire et sa bonne humeur communicative. Asia, ses yeux bleus comme une promesse océane, son accent qui chantait l’Italie et le regard touchant qu’elle posait sur la vie. Et quelques kilomètres après León, celle qui allait devenir la mère de mon fils : Clarisse. Parmi tous ces visages, ces prénoms aujourd’hui épinglés sur le mur de mes souvenirs, je n’en oublie pas pour autant tous ceux qui ont fait la beauté de mes journées à arpenter les routes de Compostelle, que ce soit Allan et Theresa du Canada, Helmut d’Autriche, Florian d’Ardèche, Gisela et Dominic d’Allemagne, Emile, sa femme et Shaun d’Afrique du Sud, Anne de Seattle, Louise du Québec, Maud des Pays-Bas et tant d’autres qui ont peuplé les lacets de cette aventure. Tous venus d’horizons différents mais pourtant, si proches : sur le chemin, les différences ne sont plus des stigmates à porter comme autant de marques que l’Autre ne pourrait comprendre, mais redeviennent des richesses à partager. Lors d’une longue journée de marche sous le soleil d’Espagne ou dans le joyeux brouhaha d’un repas entre pèlerins, le soir, à l’auberge.

Mille raisons de marcher vers Compostelle

Certains marchent vers Compostelle avec leur foi pour seule raison : d’autres, pour l’exploit sportif que cela représente. La plupart le parcourt pour eux-mêmes. Pour se retrouver, faire une sorte de point sur leurs existences et en reprendre le cours là où certaines exigences du quotidien nous poussent parfois à laisser notre vie : au bord du vide. Pour la goûter à nouveau comme elle mérite de l’être.

Je faisais partie de ces gens-là.

La magie de l'aventure humaine du Camino de Santiago

J’ai commencé mon chemin au pied des montagnes, le dos à mes certitudes : je l’ai terminé au bord de l’océan, avec le sentiment d’avoir fait le tour des choses et d’être à nouveau un. D’avoir réappris à vivre au fil du temps sans courir après. A profiter de l’instant présent pour ce qu’il est, simplement. D’être à nouveau capable de voir la beauté de ces choses à côté desquelles je serais peut-être passé, en d’autres circonstances. A partager le peu que j’avais avec celles et ceux dont je croisais la route et recevoir bien plus que je ne pouvais donner.

Il y a certaines choses que je croyais savoir, avant de me lancer dans cette épopée. Aujourd’hui, j’ai appris que le peu que je sais ne représente pas grand-chose, au final. Cela ne semble pas peser lourd, sur une feuille de papier ; mais, sur les sentiers d’une vie, c’est énorme.

Rien ne saura vous retranscrire à sa juste valeur la beauté et le caractère extraordinaire de cette expérience. Personne ne pourra mieux vous en parler que vous-même, si un jour, vous venez à la vivre. Que ce soit sur le chemin de Compostelle, lors de la traversée d’un continent ou même sur un sentier non loin de chez vous, l’aventure humaine n’est pas dans les buts que l’on choisit d’atteindre ni dans les destinations que l’on épingle sur les murs de nos vies, mais dans les chemins que l’on foule. Et celles et ceux que l’on y croise.

Buen camino.

Quelques chiffres à propos
de cette aventure sur le Chemin de Compostelle

900

kilomètres
parcourus.

35

journées
de marche.

4

langues
parlées.

62

pages remplies
sur mon carnet.

1930

photographies
prises en chemin.

1

intoxication
alimentaire.

Parutions.

Certaines de ces photographies et ce récit à propos du Chemin de Compostelle ont été publiés dans la revue de voyage « Bouts du monde », dans le numéro 28 du magazine. Victime de son succès, ce numéro est désormais épuisé et indisponible.

Une édition consacrée aux grandes aventures et pèlerinages, de ceux qui se font plus dans la vagabonderie des grands espaces que dans le cadre exigu des églises et autres temples.

Paysages du Camino francès